Cette année 2013 est marquée par la disparition de celui qui fut le premier président du Cercle Condorcet de Roanne, Pierre RANNAUD.
Nous étions alors en novembre 1988, une dizaine de militants laïques du Roannais se fixaient pour objectif la création d’une association locale, dite Cercle Condorcet qui, selon les directives de la Ligue de l’enseignement, devait être un lien favorisant l’échange et le débat d’idées. Pierre excellait dans ce domaine et la fonction de Président lui fut tout naturellement proposée. Il accepta sans se faire prier et anima notre Cercle jusqu’en 1997. Quand il a pris la décision de laisser la place de responsable, il a poursuivi sa participation aux réunions de réflexion jusqu’à ce que, l’âge venu, il ne puisse plus se déplacer. Alors, chaque année en envoyant sa cotisation d’adhérent, il nous faisait part de ses remarques, toujours élogieuses sur le fonctionnement du Cercle Condorcet avec la facilité d’expression qui était la sienne.
Il faisait preuve d’une grande générosité et affirmait sa foi en l’homme et son espérance en un avenir meilleur. Dans une de ces dernières lettres, il nous écrivait : « En France et tout autour de nous, sur la planète, hommes et femmes apprennent à devenir citoyens. Il faudra du temps, ici et là, mais les petits pas qui sont faits permettent d’entrevoir un avenir plus responsable pour chacun ».
Il aimait à citer Condorcet qui était un des philosophes qu’il admirait le plus. En souvenir de Pierre, en nous aidant du livre « Condorcet, un intellectuel en politique » d’Elisabeth et Robert BADINTER, rappelons donc les idées principales de ce grand révolutionnaire. Condorcet présente son « Rapport sur l’Instruction Publique » en avril 1792 devant l’Assemblée Législative. Il est nécessaire selon lui que la révolution libère les hommes de l’ignorance et de la superstition grâce à l’enseignement. Il évoque même déjà ce que nous appelons aujourd’hui la formation tout au long de la vie : « Nous avons observé que l’instruction ne devait pas abandonner les individus au sortir de l’école, qu’elle devait embrasser tous les âges, qu’il y en avait aucun où il ne fût possible d’apprendre ». Il défend une instruction égale pour les femmes et pour les hommes, pour les pauvres et les riches, qu’elle soit libératrice pour tous. « Nous avons pensé que notre premier soin devait être de rendre d’un côté l’instruction aussi égale, aussi universelle, de l’autre, aussi complète que les circonstances pouvaient le permettre ». Il demande aussi la gratuité avec des bourses pour les plus défavorisés. Il dessine déjà les structures qui seront celles mises en place par la suite : école primaire de 6 à 10ans, école secondaire de 10 à 13ans, instituts (lycées actuels) et lycées (universités). Enfin, l’instruction publique sera indépendante de tout pouvoir politique et de toute idéologie religieuse. C’est la recherche de la vérité conduite par les principes de la raison qui sera son objectif fondamental. Sans utiliser encore le mot, est affirmée ainsi la définition même de la laïcité de l’Ecole. Et Condorcet d’affirmer « Tant qu’il y aura des hommes qui n’obéiront pas à leur raison seule, le genre humain restera partagé en deux classes : celle des hommes qui raisonnent et celle des hommes qui croient, celle des maîtres et celle des esclaves ». Cette proclamation annonce son « Esquisse d’un tableau historique des Progrès de l’Esprit humain » de 1793 où il déclare : « Il arrivera ce moment où le soleil n’éclairera plus que des hommes libres », dans un monde où auront diminué les inégalité grâce à la dissolution des grandes fortunes et l’instauration d’assurance mutuelle pour les malades et les vieillards. Les progrès de l’égalité s’accompagneront de ceux du bien-être : le progrès de la médecine, de l’hygiène et le recul de la misère allongeront l’espérance de vie. Grâce à la science, l’homme progressera de façon continue tant sur le plan physique que moral. Condorcet demande même la suppression de la peine de mort « un des moyens les plus efficaces de perfectionner l’espèce humaine, en détruisant ce penchant à la férocité qui l’a trop longtemps déshonorée… Des peines qui permettent la correction et le repentir sont les seules qui puissent convenir à l’espèce humaine régénérée » (citation tirée de « Opinion sur le jugement de Louis XVI »).
Le qualificatif de visionnaire est souvent associé à la personne de Condorcet. Par ses idées prémonitoires, il a su tracer l’évolution de la plupart des conquêtes sociales acquises dans notre société moderne qu’il faut savoir préserver contre toutes les atteintes dont elles sont l’objet aujourd’hui. Combien il est aisé de comprendre pourquoi Pierre RANNAUD aimait faire fréquemment référence à l’œuvre de Condorcet. Récemment encore, il nous écrivait au sujet de la révolution tunisienne, qu’elle avait essentiellement pour but d’ « obtenir enfin la possibilité de vivre selon les principes de Condorcet et des Lumières de nos Encyclopédistes ».
Ainsi, comme le voulait Pierre, poursuivons modestement ce qui a été commencé en 1988 et, selon ses propres termes, instaurons « un lieu convivial où l’on pense, où l’on échange, où l’on s’affronte en abordant des problèmes de notre temps avec des intervenants de qualité, sans prétention mais avec lucidité ».
En paraphrasant Albert CAMUS, tentons par petits pas de faire de ce monde « un royaume » en y chassant la haine et la barbarie : oui à la pensée de midi, à la lumière, non à la pensée de minuit, à l’obscurantisme.
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NB : Pierre RANNAUD, éducateur, devint instituteur en Tunisie puis conseiller pédagogique à l’Ecole Normale de Tunis, professeur au Maroc, il termina sa carrière comme PEGC dans un collège à Charly près de Château Thierry