La Tunisie vit aujourd’hui un tournant sans précédant de son histoire. La rive orientale de la méditerranée toute entière vit au rythme de ce printemps arabe. Des changements majeurs, dans les fondements même de ces sociétés, sont en train de s’opérer et l’histoire s’écrit sous nos yeux aux rythmes des négociations incessantes entre le gouvernement provisoire, les syndicats, les organismes de défense des droits humains et la société civile.
Les femmes tunisiennes, libérées 57 ans plus tôt par un Code exceptionnel du Statut Personnel, envié par de nombreux pays, se sont immédiatement impliquées dans ce processus de démocratisation de leur société. Elles font partie intégrante des mouvements refondateurs et réformateurs du pays mais pas seulement…
Elles sont devenues le pilier de cette révolution puisqu’elles n’ont cessé d’investir les rues, les plateaux TV, les conférences débats, les meeting, les rassemblements en tout genre, jamais la femme tunisienne de tout âge et de tout niveau socio professionnel confondus, ne s’était autant mobilisée, et pour cause ….il s’agit pour elle, de préserver leurs acquis et de protéger les futures générations d’hommes et de femmes.
Inquiétées par la montée en puissance de l’islam politique en Tunisie, les femmes ont immédiatement compris qu’il fallait riposter et ont réussi par un coup de force, à faire que le Code du Statut Personnel soit érigé en loi fondamentale …car la volonté de le modifier, fut l’une des premières préoccupations des islamistes au pouvoir, alors coupés dans leur élan ….
« Enseignante libérale de langue et civilisation arabe, spécialisée et très portée sur les questions liées à l’islam politique, OUERTANI Salima est une Citoyenne binationale très active d’un côté comme de l’autre de la rive de la Méditerranée, engagée politiquement et partisane de la démocratisation et de la laïcisation des sociétés arabes…. »
Dans le même sillage, les femmes se sont emparées de la question de la laïcité considérée, par certains, comme étant contraire aux fondements de l’islam et importée de l’occident. Une problématique inenvisageable sous ben Ali et pourtant, elle a divisé la société en deux.
Avec l’arrivée des Salafistes persécutés sous Ben ali, il est devenu de mauvais goût voire dangereux d’afficher sa laïcité. Le pays s’est ainsi divisé en deux, les laïques sont alors considérés comme des athées, des hérétiques, des apostats de l’islam tant dis que les opposants à la à laïcité, comme étant des bons musulmans.
Cette dualité, invivable au quotidien, quand on sait qu’au sein d’une seule et même famille, deux frères s’accusent l’un l’autre de blasphème, de mécréance et de fondamentalisme….Ce sont les mères, les grands mères, les épouses, aussi conservatrices soient elles, qui ont mis le holà.
Plus de mélange entre la religion et la politique, on érige la religion au rang de sacrée et on laisse la politique aux simples mortels que sont les humains…. Telle a été la devise des femmes dans la rue.
Un pari audacieux mais fragile et difficile car les islamistes au pouvoir jouent les cartes des salafistes, en fermant les yeux notamment sur des actes barbares et intolérants commis pendant leur gouvernance. Et ce, dans une volonté de semer le désordre, la discorde, la peur et l’effroi dans la société pour décourager les plus courageu(se)s et pour asseoir leur légitimité par l’intimidation et la soumission par la crainte.
La question de la sécularisation en Tunisie n’est plus à l’ordre du jour aujourd’hui dans les négociations tant il y a d’autres priorités ( la sécurité, l’économie …). Mais les femmes qui investissent le terrain sont celles qui continuent à semer ce concept universel qu’est la laïcité en imposant une volonté de sécularisation de la société petit à petit afin que cela devienne un réflexe pour les futurs générations qu’elles éduquent…
Par ailleurs, il existe aussi un certain nombre de femmes islamistes qui prônent aussi l’islamisation de la société et le rejet de la laïcité , mais il semblerait qu’elles se rallieraient peu à peu à la cause des femmes démocrates qui ont démontré leur efficacité sur le terrain…
Un travail difficile et semé d’embuche, mais la femme tunisienne fidèle à sa réputation, compte bien continuer à porter le pantalon…
OUERTANI Salima