Rapport Moral du Président Bernard FURNON
A notre époque, si nous devions analyser et caractériser nos comportements, nous dirions que notre quotidien est marqué par un processus d’accélération incessant. La romancière Isabelle SORENTE décrit dans ses derniers livres un monde dans lequel règnent rapidité et réactivité.
Il nous faut en effet sans cesse nous adapter à des situations nouvelles et toujours dans l’immédiateté…
Cette posture est en opposition totale à celle de nos ancêtres qui prenaient le temps de vivre sans être obligés de répondre dans l’urgence aux sollicitations incessantes de la société qui nous entoure.
Nous vivons trop souvent sous tension, si bien que les médecins diagnostiquent le stress comme cause de certaines cardiopathies. Dans notre vie professionnelle, il nous faut faire face aux transformations du monde du travail, marquées par la nécessité d’accroître la productivité, la performance, afin d’obtenir rentabilité et profit, une véritable « addiction » dit encore Isabelle SORENTE, addiction aux chiffres, nos conduites étant continuellement livrées à la statistique, aux mathématiques, aux probabilités. Et celle ou celui qui ne peut « tenir la cadence » est marginalisé, mais avec toutes les conséquences que cela implique : crainte de la précarité, peur de l’exclusion . . .
Même ceux qui s’adaptent ne sont pas à l’abri d’une autre forme d’aliénation. Isabelle SORENTE parle d’un « bonheur superficiel, publicitaire ». Notre rapport au monde est trop exclusivement fondé sur la consommation, le besoin artificiel et plus ou moins inconscient d‘acquérir le dernier gadget à la mode, mis en avant par les médias, comme si cette possession nous permettait de mieux nous sentir exister. C’est ainsi l’amour de soi qui est sans cesse réaffirmé, en nous donnant l’illusion d’une meilleure autonomie. Comme aurait dit Freud, tenir compte uniquement de ses propres intérêts, c’est faire triompher le principe de plaisir sur le principe de réalité.
Face à cette vie trépidante, marquée par l’insatisfaction, citons aussi l’humoriste François Morel, en s’inspirant de la fameuse pensée de Descartes, « je pense, donc, je suis », il déclarait : « je pense, cependant, j’ai du mal à suivre… »
Alors, compte tenu de ces déceptions causées par un trop grand individualisme, peut-être faut-il chercher à remplacer le « je » par le « nous ». En effet, hélas ! Le sens du collectif s’estompe peu à peu. Et pourtant, que de satisfaction et d’estime de soi ressenties dans les projets créés et conduits en commun. Prenons comme simple exemple le fonctionnement du Conseil d’Administration de notre Cercle Condorcet. Je tiens à vous dire que mes dernières années de présidence m’ont donné le sentiment qu’une collaboration franche et efficace est possible dans le milieu associatif. La pluralité des points de vue dans nos réunions a amené une réflexion riche et stimulante, chacun dans sa fonction apportant sa contribution à l’ensemble. Se concerter pour réfléchir à l’élaboration d’un programme, à l’avenir de l’association, sans sectarisme ni tabou, c’est modestement certes, mais véritablement mettre en œuvre une des valeurs de la République pas assez souvent appliquée : « la Fraternité ». Et c’est certainement une grande satisfaction de pouvoir affirmer que le travail de groupe, à travers nos rencontres, est bien plus valorisant que les actions réalisées individuellement. En se référant à Albert Camus et en le paraphrasant, nous dirons pour terminer que mieux vaut se conduire en personne « solidaire » plutôt qu’en individu « solitaire ».